Nos cœurs aidants de Célia Samba
Roman de Célia Samba explorant la vie de jeunes aidants (Laurie et Eliott) s'occupant de leur mère malade. Le livre aborde leur épuisement émotionnel, la conciliation des responsabilités et de la vie personnelle, et vise à mettre en lumière les 11 millions d'aidants en France.
Intention de l’Autrice et Contexte
Le roman Nos cœurs aidants de Célia Samba a pour objectif principal de mettre en lumière la réalité des aidants, et plus spécifiquement des **jeunes aidants** (moins de 18 ans) et des jeunes adultes aidants (moins de 25 ans). L’idée du livre est née d’une affiche indiquant qu’un Français sur six est aidant, un fait dont l’autrice n’avait pas mesuré l’ampleur.
L’autrice a mené une démarche rigoureuse pour traiter le sujet de manière réaliste, consultant notamment une ancienne jeune aidante (Laure Grisinger), des assistantes sociales et une aide-soignante. Elle note que, bien que certaines situations puissent paraître choquantes, elles sont non seulement réalistes mais ** »bien réelles »**.
Le roman aborde des thèmes difficiles tels que la maladie, le handicap, la dépression et l’abandon.
Concepts Clés de l’Autrice
L’ouvrage insiste sur plusieurs concepts fondamentaux pour comprendre la vie des aidants, à travers l’expérience des personnages :
1. L’Invisibilité et l’Étendue du Rôle d’Aidant
L’autrice met en évidence la notion d’invisibilité des aidants. Eliott, l’un des protagonistes, découvre récemment qu’il porte un nom pour sa situation : « aidant ». En France, on estime à **11 millions le nombre d’aidants**, dont **700 000 ont moins de dix-huit ans**. Ces jeunes apportent un soutien considérable, ce qui peut affecter leur bien-être et leur scolarité (difficultés de concentration, absentéisme, décrochage scolaire).
Le rôle d’aidant est multidimensionnel, incluant la présence responsable, l’aide aux déplacements, l’hygiène corporelle, la préparation des repas, la gestion financière, la stimulation par des activités, et la coordination des intervenants professionnels.
2. Le Fardeau (Charge Physique et Mentale) et ses Conséquences
Le quotidien des aidants, tel que vécu par Laurie et Eliott, est dépeint comme un ** »vortex de souffrances »**. Leur mère, Mélodie Samely (Maman), est atteinte d’une maladie (myélite/SEP) compliquée par un AVC, entraînant une paralysie partielle, des troubles d’élocution et une dépendance pour les transferts.
Les conséquences sur les jeunes aidants sont multiples :
- Épuisement et Santé : Laurie souffre d’insomnies chroniques. Le risque d’épuisement est réel, Xander insistant sur le fait que l’accompagnement est un **marathon et non un sprint**, nécessitant des pauses sous peine d’hospitalisation.
- Culpabilité et Sacrifices : Laurie a renoncé à ses études (prépa) et Eliott met sa vie en pause. Laurie se sent coupable de vouloir profiter de moments de répit. Elle se voit comme une ** »battante »** et le soin est son ** »arme contre sa maladie »**.
- Isolement et Incompréhension : Les aidants souffrent de solitude et de l’incompréhension de leur entourage, qui ignore ce qu’ils vivent. Les amis, malgré leur bonne volonté, ne peuvent souvent pas comprendre l’ampleur du rôle.
- Inversion des Rôles : Laurie, à 19 ans, porte la logistique et l’éducation de son frère, se sentant maîtresse de sa vie par contrainte. Eliott exprime la douleur de l’inversion des rôles, ayant l’impression d’avoir une mère qui « parle à peine » et un père « en taule ».
3. La Nécessité de l’Aide et du Soutien
Le roman souligne l’importance vitale du soutien, que ce soit par l’entourage ou par des professionnels. Xander (l’auxiliaire de vie) et Maria sont des exemples de professionnels essentiels pour le répit. Xander, surnommé « Mary Poppins », apporte un soulagement magique et gagne la confiance en étant **professionnel et bienveillant**.
Le soutien doit inclure des actions concrètes pour l’aidant lui-même :
- Ressources d’Information : La complexité de l’administration (sigles comme AAH, PCH) est un frein majeur. Les aidants doivent s’informer auprès de professionnels ou de plateformes d’accompagnement.
- Répit et Soutien Psychologique : L’importance de l’hospitalisation de répit est évoquée pour soulager Laurie et Eliott. Des structures comme l’association **JADE (Jeunes AiDants Ensemble)**, qui organise des activités et offre un lieu d’expression, et le **Café des aidants** sont présentées comme des ressources cruciales pour briser l’isolement.
- Prendre Soin de Soi : Le médecin insiste sur le besoin de Laurie de « parler avec quelqu’un ». Le concept de l’**amour qui ne suffit pas** est abordé (en référence à N. Guberman, P. Maheu et C. Mayer). L’aidant doit **s’autoriser à répondre à ses propres besoins** et à se libérer de la culpabilité.
4. Le Sens Face au Non-Sens
Malgré la souffrance, les protagonistes s’accrochent à la vie. L’autrice cite Laure Grisinger, soulignant que l’aide est l’occasion de découvrir sa propre puissance face à l’impuissance, permettant de ** »sublimer et ne pas être écrasé »** et de ** »donner un sens au non-sens »**. Le quotidien de la famille Samely est une lutte acharnée pour vivre au-delà de la maladie.
Conclusion de la Fiche
Le roman, à travers les voix authentiques d’Eliott et Laurie, dresse un tableau poignant des difficultés rencontrées par les jeunes aidants. Il met en évidence le dévouement et l’amour inconditionnel qui les animent, tout en exposant les failles du système (administratif et de santé) face à leur **épuisement** et leur **isolement**. L’autrice appelle à une prise de conscience sociétale urgente pour soutenir, écouter et accompagner cette population « infiniment précieuse ».