La mort intime de Marie de Hennezel

Extrait de "La Mort intime" de Marie de Hennezel, explorant les expériences en soins palliatifs et l'importance de la présence affective. L'auteure montre que la fin de vie peut être un moment d'accomplissement et que la confrontation avec la mortalité enrichit l'existence.

(Ceux qui vont mourir nous apprennent à vivre)

Auteure : Marie de Hennezel

Informations Bibliographiques et Contexte

*La Mort intime* est un ouvrage écrit par Marie de Hennezel, psychologue clinicienne, qui a travaillé pendant dix ans dans le domaine des soins palliatifs. Elle a également été chargée de mission au ministère de la Santé sur les questions de la fin de vie. Le livre est paru avec une préface de François Mitterrand, qui souligne que le texte est une « leçon de vie » et un « témoignage de la plus profonde des expériences humaines ».

L’œuvre tire son origine de sept années d’expérience auprès de personnes proches de la mort dans une unité parisienne de soins palliatifs, ainsi que d’échanges avec des malades du sida.

Thèse Centrale et Philosophie

La thèse centrale de Marie de Hennezel est que la mort, loin d’être un temps absurde ou honteux, peut être une période d’une richesse incroyable, un accomplissement de la personne et une transformation de l’entourage. Elle cherche à sensibiliser le lecteur à la richesse de l’accompagnement des ultimes moments de la vie.

Selon l’auteure, ceux qui vont mourir nous apprennent à vivre. La fréquentation assidue de la mort lui a donné un « goût intense de la vie et du plaisir » et une « immense énergie ». L’expérience ultime relationnelle que propose le mourant est une tentative de se « mettre complètement au monde avant de disparaître ».

Concepts Clés de l’Accompagnement et des Soins Palliatifs

Les concepts clés explorés par Marie de Hennezel tournent autour de l’humanité de la relation de soin :

1. La Communication et la Vérité : Mettre fin à la « Conspiration du Silence »

  • La pire solitude pour un mourant est de ne pouvoir annoncer à ses proches qu’il va mourir. Souvent, l’entourage tente de protéger le malade par une « conspiration du silence », craignant qu’en lui ôtant tout espoir on ne le tue.
  • Cependant, l’angoisse du malade provient souvent du décalage entre ce qu’il sent et le discours qu’on lui tient. Le mourant sait. Lorsque le malade peut enfin exprimer « je vais mourir », il redevient acteur de son départ, retrouve une force intérieure, et sa confusion mentale peut cesser (comme illustré par l’histoire de Marcelle).
  • Même en fin de vie ou à un stade avancé de la maladie, il est fondamental d’écouter la personne et de lui répondre lorsqu’elle évoque la mort, même si elle le fait de façon brève ou « incohérente ».
  • L’auteure insiste sur l’importance de l’écoute bienveillante pour aider la personne à verbaliser ce qu’elle ressent.

2. La Puissance de la Présence et de l’Approche Corporelle

  • L’accompagnement est avant tout une affaire d’engagement et d’amour. Quand on ne peut plus rien faire, on peut encore aimer et se sentir aimé.
  • L’accompagnement est une veille patiente et affective qui ne se contente pas des gestes techniques. Il est possible d’être « simplement présent, en éveil, attentive », ce que le psychanalyste W.F. Bion appelle la « rêverie maternante », qui a un effet d’apaisement sur l’angoisse.
  • Le langage du corps est essentiel, surtout lorsque la communication verbale est altérée. L’« approche corporelle » (un concept lié à l’haptonomie, science du contact affectif) est un moyen d’entrer en contact et de communiquer, en particulier au stade avancé de la maladie.
  • Les soignants peuvent transformer des gestes considérés comme « agressants » (soins intimes, mobilisations) en gestes de cœur empreints de tendresse et de respect. Le corps d’un mourant doit être traité comme un corps « enveloppé de tendresse » pour qu’il se sente une âme vivante jusqu’au bout.
  • Un geste simple, comme le fait de regarder un détail du corps aimé qui n’est pas détérioré, peut aider l’aidant à préserver l’image de la personne et à contrer le sentiment de déchéance.

3. La Peur de la Mort et la Quête de Sens

  • La mort est un immense mystère. Son angoisse renvoie l’individu à des questions essentielles sur le sens de sa vie.
  • La sérénité face à la mort n’est pas tant liée à la foi religieuse qu’à « l’épaisseur de vie » derrière soi et à une « expérience vécue, intime et profonde de la confiance ». L’angoisse n’est pas tant la peur de mourir, mais de se retrouver en face de soi-même, en face de sa vie.
  • Face à la souffrance, la question bascule du « pourquoi ? » (qui est vain) au « pour quoi ? » (la finalité) : est-ce que cette souffrance peut être une occasion de lumière et d’amour ? La maladie peut conduire à l’essentiel, en laissant tomber les « trop-pleins de vanité, d’avidité ».

4. Le Travail du Deuil (Anticipé et Postérieur)

  • Marie de Hennezel souligne la réalité du travail de deuil qui s’impose aux proches. Elle évoque l’importance de pouvoir pleurer, raconter les circonstances de la mort, et parler de ses regrets, afin