Guide de survie des proches aidants de Michelle Arcand et Lorraine Brissette
Ce guide, rédigé par une psychologue et une travailleuse sociale, a pour but de fournir aux proches aidants des outils de réflexion pour prévenir l'épuisement. Il explore la trajectoire de l'aide, la gestion du stress, la culpabilité et propose des stratégies concrètes pour maintenir un équilibre personnel.
Auteurs
Michelle Arcand et Lorraine Brissette [1].
Contexte et Objectif de l’Ouvrage
Ce guide s’adresse aux **proches aidants** [1] qui sont en début de parcours ou qui se sentent déjà **épuisés** ou en voie de le devenir [2]. L’objectif principal des auteures, psychologue et travailleuse sociale [3], est d’aider les aidants à faire un bilan réaliste de leur situation et à leur transmettre des outils pour mieux gérer leur investissement en énergie afin de poursuivre leur engagement tout en faisant des **choix santé** [2].
Le livre cherche à prévenir l’épuisement qui peut affecter la santé physique et psychologique de l’aidant, ainsi que sa joie de vivre [4]. Il propose une démarche structurée de réflexion [3].
Définition et Réalité de l’Aidance
Un **proche aidant** est une personne qui prend soin, volontairement et sans rémunération, d’une personne de son entourage ayant une **incapacité** temporaire ou permanente (handicap, maladie, accident) [5, 6]. Cette définition est large et inclusive, s’appliquant à tous les groupes d’âge [5]. Il est important de noter que le rôle d’aidant n’a rien de « naturel » et n’est pas toujours facile à déterminer (le rôle se développe souvent à partir d’un **point de bascule** où l’équilibre normal glisse vers un **déséquilibre**) [7-10].
Le Risque d’Épuisement et les Facteurs Clés
Bien que toutes les situations d’aidance ne mènent pas à l’épuisement, certains aidants y sont plus vulnérables [4, 11]. Les facteurs de risque incluent l’intensité et la durée de l’implication [12]. Par exemple, être un « aidant pivot » sans répit, souvent le cas dans les maladies comme Alzheimer, augmente considérablement l’usure [13, 14].
L’épuisement n’est pas tant lié aux conditions objectives qu’à la perception que l’aidant en a (**fardeau subjectif**) [15]. Les trois facteurs influençant cette perception sont :
- La capacité de **gestion du stress** [15, 16].
- Le **soutien social** disponible (ou l’absence de celui-ci, menant à l’**isolement social** et à la solitude affective) [15, 17, 18].
- La qualité de la **relation avant la maladie** : une relation empreinte d’amour et de respect amortit mieux les frustrations [19, 20].
Les proches aidants peuvent être d’âge moyen (enfants de la personne aidée, souvent actifs professionnellement, vivant un cumul de stress) ou âgés (conjoints, risquant l’usure physique et ayant souvent un sens élevé du devoir ou du sacrifice) [21, 22].
La Trajectoire de l’Aidance : Un Marathon
L’aidance est comparable à un **marathon** et non à un sprint, nécessitant une gestion prudente de l’énergie dès le départ [23]. Le modèle de la trajectoire d’aide (inspiré par Corbin et Strauss) décrit les étapes du processus [24-26]:
- A à B : La mise en place de l’aide. Souvent marquée par l’urgence et l’émotion. Il est crucial d’instaurer des limites et de l’aide extérieure dès cette phase pour ne pas créer de dépendance ni s’épuiser prématurément [27-30].
- B à C : La vie continue. Une routine sécurisante s’installe; c’est une phase de répit. L’aidant doit continuer à se ressourcer et à entretenir sa vie personnelle [31].
- C à D : La résistance à l’usure. La **lassitude** physique et mentale apparaît [32]. Le **silence** peut s’installer, masquant la rancœur ou l’angoisse [33, 34]. Des changements radicaux sont souvent nécessaires pour obtenir du **répit** et réorganiser les soins [35].
- D à E : Le seuil de rupture. L’équilibre est rompu, souvent suite à une aggravation de la situation de l’aidé ou de la santé de l’aidant. C’est le moment d’envisager l’hébergement [36-38].
- F : La préparation à l’hébergement. Idéalement préparée, cette étape est difficile, surtout en cas de promesses non tenues ou si l’aidé conserve toutes ses facultés. Le soutien psychologique est primordial [38, 39]. Même hébergé, le rôle de proche aidant continue, bien que sous une forme différente [40].
Protégez votre Énergie et faites des Choix
Le Compte en Banque Énergétique
L’énergie est un principe vital qui se dépense et se renouvelle [41-43]. L’épuisement est une « **faillite énergétique** » [42]. Il est essentiel de comprendre l’équilibre entre les **dépenses d’énergie** (conflits, surcharges, exigences élevées) et les **retours d’énergie** (gratifications, réussite, soutien) [42, 44]. Le retour n’est pas toujours immédiat, ni ne provient nécessairement de la personne aidée [45].
Culpabilité, Responsabilité et Besoins
La **culpabilité** est un sentiment très présent chez les aidants, souvent orienté vers l’évitement de conflit ou le rachat après une perte de patience [46, 47]. La culpabilité mine l’énergie et pousse à des objectifs irréalistes [47, 48]. Les aidants doivent apprendre à remplacer la culpabilité par la **responsabilité** [49]. L’outil de la **grille JE/TU/CONTEXTE** permet de clarifier ce qui appartient à l’aidant (JE), à l’aidé (TU), ou aux circonstances de la maladie (CONTEXTE) [49-51]. Le **surinvestissement** est un comportement à risque qui mène à l’épuisement [52, 53].
Les **besoins** de l’aidant sont vitaux mais souvent considérés comme des « caprices » et sont différés au profit de l’aidé [54-56]. Les besoins essentiels incluent le **répit**, la socialisation, les loisirs, l’expression des émotions et le sentiment d’être valorisé [57, 58]. La **grille des trois A** (Attention, Affection, Affiliation) aide à identifier les besoins psychologiques [59].
L’aidant doit aussi se donner la permission de faire des **choix**, même si la situation est contraignante (le **cadre de vie** de l’aidance) [60-62]. Oser bouger à l’intérieur de ce cadre (changer d’attitude, mettre des **limites**, demander de l’aide) est une preuve de responsabilité envers soi-même [63-65].
Ressources et Soutien
Il est impératif de mobiliser le **réseau de soutien** (familial, social, associatif, public) pour éviter l’isolement et l’épuisement [66-68]. L’aide peut être affective, normative, cognitive ou instrumentale (services concrets) [69, 70]. La « réunion de cuisine » est proposée pour mobiliser la famille et distribuer les tâches de façon claire [70, 71].
Des **aides extérieures** (auxiliaires de vie, soins à domicile, accueil de jour) sont cruciales, même si les aidants peuvent y être réticents (peur du jugement, désir d’autonomie, habitudes) [28, 72-75]. Il est conseillé d’anticiper la demande d’aides humaines et financières (comme l’APA ou l’aide de la MDPH) pour éviter l’urgence [76].
La **formation des aidants** est également essentielle pour acquérir des compétences et se sentir plus efficace, ce qui prévient le sentiment de **fardeau** [77-81]. Des ressources comme les Plateformes d’accompagnement et de répit ou les Cafés des aidants offrent information et soutien psychologique pour briser l’isolement [82, 83].
Après le Rôle d’Aidant
Après l’hébergement ou le décès de la personne aidée, l’aidant doit affronter la perte de son rôle et de son identité, un passage difficile du « nous » au « je » [84-87]. Le **deuil** d’un rôle (perte anticipatoire ou réelle) doit être géré, car le fardeau subjectif ne disparaît pas soudainement [84, 88].
Pour reconstruire sa vie et reprendre pied, l’aidant est encouragé à utiliser les **cinq libertés de Virginia Satir**, notamment la liberté de s’imaginer sa propre actualisation et d’explorer de nouvelles choses, sans se sentir coupable [89, 90]. Il y aura toujours un « après » à l’aidance [91].