La Phobie
La Phobie : Une Définition Complète
La phobie est un **trouble psychologique de la famille des troubles anxieux**. Elle se caractérise par une **peur irrationnelle intense et persistante**, ou excessive, déclenchée par la présence ou l’anticipation de la confrontation à un objet ou à une situation spécifique. Cette peur est **disproportionnée par rapport au danger réel**, ne peut être ni expliquée ni raisonnée, et va au-delà du contrôle volontaire du sujet.
1. Distinction entre Peur Normale et Phobie Pathologique
La langue grecque possédait deux mots pour désigner la peur : deos, pour une crainte réfléchie et contrôlée, et **phobos, pour une peur intense et irraisonnée**, accompagnée d’une fuite. Cette distinction est essentielle car la plupart des phobies sont une amplification d’un sentiment normal de peur. La peur normale est une alarme utile face à un danger, tandis que la phobie est une **alarme « mal réglée »** dans son activation et sa régulation. L’intensité de la réaction phobique, son caractère irrationnel et son emprise sur la vie du sujet la rendent pathologique. Il est rare de parler de phobie des tigres ou des requins, car ces peurs sont considérées comme légitimes, même si de telles phobies peuvent exister face à leur image ou récit.
2. Caractéristiques et Symptômes Principaux
Une phobie se manifeste par plusieurs symptômes clés :
- Une **peur très intense**, qui peut aller jusqu’à l’**attaque de panique**.
- Elle est souvent **incontrôlable**.
- Elle entraîne des **conduites d’évitement** de l’objet ou de la situation phobogène, chaque fois que cela est possible. L’évitement est une caractéristique majeure du comportement anxieux.
- Si la confrontation est inévitable, la **souffrance est extrême**.
- La peur provoque un **handicap significatif**, lié à l’anticipation anxieuse des situations et aux évitements. Cela peut entraîner une véritable invalidité socioprofessionnelle et un isolement social.
- Les personnes phobiques sont souvent **hypervigilantes** envers tout ce qui peut évoquer le stimulus redouté.
- Il n’y a **aucune complaisance ni jouissance** à être phobique ; les individus souffrent de leur maladie et souhaitent s’en débarrasser.
- Les **manifestations physiologiques** peuvent inclure palpitations, sensations d’étouffement ou d’étranglement, et transpiration. La personne peut également avoir peur de s’évanouir, de mourir, de perdre le contrôle ou de devenir fou.
3. Typologie des Phobies
Les phobies sont classées en différentes catégories :
- **Phobies spécifiques** (anciennement « phobies simples »): Celles-ci concernent une peur intense d’objets ou de situations particuliers. Elles sont très fréquentes, affectant près d’une personne sur dix au cours de sa vie. Elles sont divisées en sous-types :
- **Type animal** (ex: arachnophobie – araignées, cynophobie – chiens, ailurophobie – chats).
- **Type environnement naturel** (ex: acrophobie – hauteurs, hydrophobie – eau, nyctophobie – obscurité, astrapéphobie – éclairs).
- **Type sang-injection-blessure** (ex: hématophobie – sang, trypanophobie – injections).
- **Type situationnel** (ex: claustrophobie – lieux clos, aérodromophobie – voyages en avion, peur de conduire).
- **Autres types** (ex: émétophobie – vomir, nosophobie – maladies).
- **Agoraphobie** : peur des espaces ouverts ou d’être dans des endroits publics, des foules, ou de s’éloigner des endroits habituels. Elle n’est pas obligatoirement la peur dans la foule, mais plutôt la peur de ce qui pourrait arriver « de l’intérieur » (malaise, défaillance, attaque de panique).
- **Phobie sociale** (ou Trouble d’Anxiété Sociale) : peur intense du regard et du jugement d’autrui, d’être rejeté ou humilié. C’est souvent l’une des phobies les plus invalidantes.
- **Phobies d’impulsion** : craintes de passages à l’acte auto-agressifs (ex: défenestration) ou hétéro-agressifs, souvent envers la famille. Le patient est pleinement conscient du caractère absurde de ces pensées et lutte contre elles. Les thérapeutes n’ont jamais vu ces phobies se réaliser.
- **Phobophobie** : la peur de ressentir de la peur.
Il est important de noter que ** »tout peut être source de phobies »**, et une association internationale de sujets phobiques en dénombre plus de six mille cinq cents formes.
4. Hypothèses Étiologiques (Causes)
La compréhension des phobies s’oriente vers un modèle ** »bio-psycho-social »** :
- **Facteurs Biologiques** : Il existe des prédispositions biologiques à ressentir de très grandes peurs. Les phobies ne sont pas le résultat d’un conditionnement pavlovien normal, mais d’un « conditionnement pavlovien prévu » pour des objets qui représentaient un danger au cours de l’évolution (ex: serpents, araignées). Certaines peurs sont ancrées dans notre système de défense archaïque.
- **Facteurs Psychologiques** : L’expression de ces prédispositions peut être influencée par les styles éducatifs, les événements de vie. Un événement traumatique peut être un facteur. La phobie peut aussi être le résultat d’un « défaut d’apprentissage ». Freud a proposé que les phobies, en particulier la « névrose phobique » ou « hystérie d’angoisse », découlent d’un conflit de nature sexuelle refoulé, où l’angoisse est déplacée sur un objet substitutif (ex: peur des souris pour le pénis). Le mécanisme de défense du Moi projette la peur sur un objet extérieur, plus facile à éviter, permettant de « lier » l’angoisse.
- **Facteurs Sociaux et Environnementaux** : Certaines cultures et sociétés peuvent influencer le poids de ces peurs. Il existe des « phobies de l’ère industrielle » liées aux créations humaines (ex: transports, ordinateurs). L’imitation des autres peut également conduire à l’apprentissage d’une phobie. Le « maternage » excessif de l’entourage peut favoriser la dépendance et affaiblir la confiance en soi.
5. Évolution et Traitement
L’évolution des phobies est variable : environ **50% des phobies connaissent une rémission spontanée**, souvent dans l’année suivant leur apparition. Passé ce délai, le risque de chronicité augmente, et l’autre moitié des cas peut persister pendant des décennies. Le maintien d’une phobie peut entraîner une souffrance et un handicap considérables, avec des risques de chronicité, de comportements addictifs, de retrait social et de dépression.
Pour les phobies complexes, l’intervention d’un thérapeute est généralement nécessaire. Les **Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC)** sont le traitement de choix pour les phobies spécifiques et un élément central pour les phobies complexes. Elles reposent notamment sur l’**exposition progressive** au stimulus redouté, permettant au patient de s’habituer et de se désensibiliser. L’approche progressive est jugée la plus concluante. Il n’existe à ce jour **aucune preuve de l’efficacité d’un médicament** pour soigner les phobies spécifiques.
6. Aspects Historiques et Terminologiques
Les peurs phobiques ont été décrites dès l’Antiquité, notamment par Hippocrate. Au XIXe siècle, les phobies commencent à être analysées en termes « modernes », avec la description de l’agoraphobie par Westphal en 1871. Une « avalanche de néologismes grecs » a permis de nommer de nombreux types de phobies. Freud lui-même a ironisé sur cette prolifération de noms, proposant sa propre classification des états anxieux. Le terme « névrose phobique » était utilisé dans la terminologie psychanalytique, mais son usage est aujourd’hui en déclin, car la phobie n’est pas considérée comme une névrose. Les phobies spécifiques sont classées parmi les troubles anxieux dans le **DSM-5** (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, American Psychiatric Association, 2013).